« Rien n’est plus fort que le Bon Dieu ! ». Quand le conteur créole convoque et traduit le Dieu colonial
Le conte créole est l’exemple d’un phénomène historique de traduction engageant plus qu’un fait religieux: le référent croyant ultime qu’est le Dieu d’une religion - en l’occurrence celle du christianisme. Parole de résistance sous son apparence ludique, il tient le rôle de substitut de mythe qu’il...
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Format: | Electronic Article |
Language: | French |
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Published: |
Ed. de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
2009
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In: |
Archives de sciences sociales des religions
Year: 2009, Volume: 147, Pages: 125-145 |
Further subjects: | B
Slavery
B Translation B Catechism B Traduction B West Indies B Esclavage B Creole storytelling B Catecismo B cuento creole B Traducción B Antillas B Antilles B conte créole B catéchisme B esclavismo |
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Summary: | Le conte créole est l’exemple d’un phénomène historique de traduction engageant plus qu’un fait religieux: le référent croyant ultime qu’est le Dieu d’une religion - en l’occurrence celle du christianisme. Parole de résistance sous son apparence ludique, il tient le rôle de substitut de mythe qu’il reconstitue au sein des sociétés antillo-guyanaises issues de la traite, soumises à l’esclavage et recréées à partir d’une situation de dépossession anthropologique totale. C’est de cette mémoire blessée - et théologiquement blessée - qu’il a pris corps. Habilement convoqué par le conteur, champion des paroles de détour prononcées autrefois dans la nuit de la Plantation (à la barbe des maîtres colons!) s’y est inscrit, traduit et pérennisé le dieu chrétien sous une forme inévitablement et stratégiquement associée à la figure du maître esclavagiste, présence omnipotente qu’il faut à la fois se concilier et tenter de rouler. En ce sens, le conte créole, qui exige une lecture palimpseste, reste le témoin original d’une traduction culturelle et spirituelle sans aucun doute totalement imprévue par le colonialisme mais dont les effets pérennes sont toujours latents en pays créoles.Le conte créole est l’exemple d’un phénomène historique de traduction engageant plus qu’un fait religieux: le référent croyant ultime qu’est le Dieu d’une religion - en l’occurrence celle du christianisme. Parole de résistance sous son apparence ludique, il tient le rôle de substitut de mythe qu’il reconstitue au sein des sociétés antillo-guyanaises issues de la traite, soumises à l’esclavage et recréées à partir d’une situation de dépossession anthropologique totale. C’est de cette mémoire blessée - et théologiquement blessée - qu’il a pris corps. Habilement convoqué par le conteur, champion des paroles de détour prononcées autrefois dans la nuit de la Plantation (à la barbe des maîtres colons!) s’y est inscrit, traduit et pérennisé le dieu chrétien sous une forme inévitablement et stratégiquement associée à la figure du maître esclavagiste, présence omnipotente qu’il faut à la fois se concilier et tenter de rouler. En ce sens, le conte créole, qui exige une lecture palimpseste, reste le témoin original d’une traduction culturelle et spirituelle sans aucun doute totalement imprévue par le colonialisme mais dont les effets pérennes sont toujours latents en pays créoles. Creole storytelling is an example of a historical phenomenon of translation which involves more than just religious facts: as the ultimate referent believer is the God of a religion-in this case the God of Christianity. A resistance speech hidden under a playful appearance, Creole storytelling plays the role of a surrogate myth that it recreates at the heart of West Indies-Guyanese communities which were born out of trafficking, subjected to slavery and were then recreated from a situation of total anthropological dispossession. It is from this wounded memory-also theologically wounded-that the Creole storytelling took shape. Skilfully convened by the storyteller, a champion of wandering words, once uttered in the darkness of the Plantation (under the noses of the colonial masters), the Christian God is described, translated and perpetuated in a form which is inevitably and strategically associated with the figure of the slave master, an omnipotent presence which both needs to be won over and fooled. In this sense, Creole storytelling, which requires a palimpsest interpretation, remains the original witness of a cultural and spiritual translation that was without a doubt completely unforeseen by colonialism, but whose lasting effects are still dormant in Creole communities. El cuento creole es el ejemplo de un fenómeno histórico de traducción que implica más de un hecho religioso: el referente último de las creencias que es el Dios de una religión-en este caso el del cristianismo. Palabra de resistencia bajo su apariencia lúdica, ocupa un rol de sustituto del mito que reconstituye dentro de las sociedades antillo-guayanesas salidas de la trata, sometidas al esclavismo y recreadas a partir de una situación de deposesión antropológica total. Es a partir de esta memoria herida-y teológicamente herida-que el cuento creole ha tomado cuerpo. Hábilmente convocado por el cuentista, campeón de palabras del disimulo pronunciadas en otro tiempo en la noche de la Plantación (¡bajo las barbas de los amos colonos!) se inscribió en él, traducido y perennizado el dios cristiano bajo una forma inevitable y estratégicamente asociada a la figura del amo esclavista, presencia omnipotente con el cual es necesario conciliar y a la vez tratar de dar vuelta. En este sentido, el cuento creole, que exige una lectura palimpsesto, sigue siendo el testimonio original de una traducción cultural y espiritual sin ninguna duda totalmente imprevista por el colonialismo pero cuyos efectos perennes están siempre latentes en países creoles. (trad. Véronica Giménez Béliveau) |
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ISSN: | 1777-5825 |
Contains: | Enthalten in: Archives de sciences sociales des religions
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Persistent identifiers: | DOI: 10.4000/assr.21415 |